Article publié dans la revue CCI infos de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Tarn et Garonne d’avril 2016

Délais de paiement : comment enrayer l’asphyxie des PME-PMI ?

Le 7 mars dernier, l’Observatoire des délais de paiement a remis son rapport annuel au Ministre de l’Economie, Emmanuel MACRON et le bilan reste très mitigé.

Si dans les premières années de l’entrée en vigueur de la loi LME (Loi de Modernisation de l’Economie), en 2008, les délais de paiement se sont nettement raccourcis, depuis quelques années, le phénomène s’essouffle.

Pour mémoire, les professionnels peuvent convenir d’un délai pour régler les sommes dues. Ce délai est légalement plafonné à 60 jours nets à compter de la date d’émission de la facture ou, à titre dérogatoire, 45 jours fin de mois, c’est-à-dire 45 jours suivants la fin du mois d’émission de la facture.

Ce délai dérogatoire doit cependant être précisé dans un document écrit et ne doit pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier (article L. 441-6 alinéa 9 du Code de commerce).

A défaut de stipulation dans les conditions générales de vente ou tout contrat, le règlement des factures doit intervenir dans le délai de 30 jours suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.

Par ailleurs, le délai de paiement des factures périodiques ne peut dépasser 45 jours à compter de la date d’émission de la facture.

Compte tenu de la saisonnalité de leur activité rendant difficile le respect de ces délais légaux, 5 secteurs ont fixé des délais dérogatoires grâce à des accords professionnels conclus en 2012, lesquels ont été codifiés par Décret du 16 novembre 2015 (article D. 441-5 du Code de commerce), à savoir :

  • l’agroéquipement : 55 ou 110 jours fin de mois ;
  • les articles de sport : 30 jours supplémentaires à compter de l’expiration du délai légal ;
  • la filière du cuir : 54 jours fin de mois ;
  • l’horlogerie, la bijouterie, la joaillerie et l’orfèvrerie : 59 jours fin de mois ou 74 jours nets à compter de l’émission de la facture ;
  • le secteur du jouet : 75 jours nets à compter de l’émission de la facture, de début octobre à fin décembre et 95 jours nets à compter de l’émission de la facture, de janvier à septembre.

Par ailleurs, certains produits alimentaires périssables font exception à la règle des 60 jours à partir de la date d’émission de la facture et doivent être réglés au maximum 40 jours après la livraison (article L. 443-1 du Code de commerce).

Au-delà de ces principes, la réalité économique est tout autre. En effet, selon le bilan de l’Observatoire, en 2014, 32 % des entreprises ont subi un délai client moyen supérieur au seuil de 60 jours des ventes. Elles sont 29 % à payer leurs fournisseurs après 60 jours d’achats. Les retards sont en moyenne de 32 jours pour les délais clients et 22 jours pour les délais fournisseurs.

L’étude de la répartition des paiements par tranche de délais et par taille d’entreprise met en évidence que plus d’une grande entreprise sur 2 règle ses fournisseurs avec retard, contre une PME sur 3. Les retards importants de plus de deux mois sont proportionnellement deux fois plus nombreux chez les grandes entreprises que chez les PME.

En outre, il existe des disparités en fonction des secteurs d’activité. Si la situation s’aggrave dans la construction, en revanche, le solde du crédit interentreprises s’améliore dans l’industrie et le transport. Les activités de soutien et l’information-communication continuent, quant à elles, de subir des décalages notables.

Les rédacteurs du rapport annuel de l’Observatoire relèvent que ces retards de paiement génèrent des difficultés de trésorerie importantes auxquelles s’ajoutent un manque de visibilité et un renforcement d’incertitude.

A l’extrême limite, le manque de trésorerie peut conduire au dépôt de bilan, dont la probabilité augmente de façon exponentielle à partir d’un retard de paiement subi de plus de 30 jours.

La perte de trésorerie pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) seraient de près de 12 milliards d’euros.

Il ne faut pas négliger en outre un risque de contagion pour l’ensemble de l’Economie lié à l’effet domino, les chefs d’entreprise victimes de retard de paiement de leurs clients étant incités à reporter ces retards sur leurs propres fournisseurs, dans un contexte économique où les prêteurs restent plutôt “frileux” à trouver des solutions à ces décalages de trésorerie.

Face à ce constat, le Gouvernement poursuit ses efforts législatifs. La loi SAPIN II, actuellement en préparation, devrait durcir à nouveau le dispositif des sanctions contre les mauvais payeurs en portant de 375.000 à 2 millions d’euros le montant maximal des amendes pouvant être prononcées.

Il est également envisagé de généraliser le “name and shame“, pratique qui consiste à pointer du doigt les entreprises coupables en publiant sur le site de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) la liste des entreprises condamnées.

Gageons que les mesures successives de nos dirigeants politiques finissent par porter véritablement leurs fruits.

En attendant, les entreprises victimes de délais de paiement abusifs doivent savoir que des actions en recouvrement amiable et judiciaire peuvent être menées afin qu’elles ne se retrouvent pas confrontées à des difficultés financières inextricables.

Article Revue CCI